Qu’est-ce que le projet de loi “visites domiciliaires” ?
L’avant-projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, en ce qui concerne la visite domiciliaire, est porté par la ministre (CD&V) de la Justice Annelies Verlinden et la ministre (N-VA) de l’Asile et de la Migration Anneleen Van Bossuyt.
Il s’agit de permettre à la police, sur autorisation d’un juge d’instruction, de pénétrer de force dans une habitation (un logement privé), si nécessaire en utilisant la contrainte, en vue d’y rechercher un étranger sans titre de séjour dont il y a des indications qu’il y réside, pour l’arrêter en vue d’une expulsion du territoire belge.
Le projet prévoit que la visite domiciliaire peut être autorisée sur la base de « motifs raisonnables de croire que l’étranger, par son comportement, est considéré comme pouvant compromettre l’ordre public ou la sécurité nationale », un encadrement très flou et hypothétique.
Des rafles au domicile d’hébergeur·euse·s solidaires ?
Ce projet signifierait qu’un domicile privé pourrait dans certains cas être visité de force pour y arrêter une personne sans papiers en vue de son expulsion. Quand on parle de domicile privé, on parle de l’habitation effective (même temporaire) de cette personne sans papiers, mais aussi du domicile d’un·e hébergeur·euse solidaire qui héberge une personne sans papiers, que ce soit temporairement ou de façon plus permanente.
C’est une véritable atteinte, non seulement à l’inviolabilité du domicile, mais aussi à la solidarité et à l’humanité, alors que ce gouvernement fédéral poursuit sa fuite en avant vers une politique migratoire de plus en plus dure, empruntant aux politiques promues par les partis d’extrême droite.
Va-t-on rafler des migrants qui ont participé à une manifestation non-autorisée ?
Selon ce projet, la police pourrait organiser des rafles pour expulser un migrant si il y a des « motifs raisonnables » de « croire » que l’étranger, par son « comportement », est « considéré » comme « pouvant compromettre » l’ordre public. Il s’agit donc de craintes que l’étranger pourrait avoir un comportement (actuel ? Ou futur ?) atteignant entre autres à l’ordre public.
Mais qu’est-ce qu’une atteinte à l’ordre public ? Entre autres, la mendicité, le travail au noir, du tapage nocturne, la participation à une manifestation non-autorisée sont des troubles à l’ordre public…
Pour la « sécurité nationale » ? Non. Pour expulser des migrants.
En principe, le domicile est inviolable, mais dans certains cas, la loi permet déjà à la police de pénétrer dans un domicile sans l’accord de la personne qui y réside. Elle peut parfois le faire sans le contrôle d’un juge d’instruction, par exemple, s’ils sont appelés par une personne qui s’y trouve (exemple : violences domestiques) ou s’il y a flagrant délit. Et si la police obtient un mandat d’amener, un mandat d’arrêt ou un mandat de perquisition d’un juge d’instruction, elle peut déjà pénétrer un domicile privé pour arrêter une personne dangereuse qui y réside (que celle-ci ait des papiers ou pas).
Le but de cette loi n’est donc pas de renforcer la sécurité nationale : pour ça l’arsenal juridique existe déjà. L’objectif, c’est d’expulser plus facilement des migrants.
Un texte extrêmement large, intrusif, violent
Le texte pourrait concerner toute personne étrangère contre qui une mesure d’éloignement du territoire, de refoulement ou de transfert a été prononcée : énormément de personnes !
Les prérogatives données à la police seraient immenses : elle pourrait pénétrer dans le domicile sans le consentement du propriétaire, mais aussi utiliser la force et la contrainte. Elle pourrait enfin perquisitionner et fouiller l’habitation pour retrouver des documents permettant de confirmer l’identité de la personne concernée.
Le texte indique que la visite domiciliaire peut avoir lieu dès 5 h du matin, et jusqu’à 21 h.
S’ils en ont reçu l’autorisation, les policiers pourraient effectuer une visite domiciliaire pour expulser un étranger même dans le cas où des enfants mineurs habitent à l’adresse visée.
Les plus hautes autorités morales tirent la sonnette d’alarme
L’Association des juges d’instruction, Myria, les obédiences maçonniques et bien d’autres se sont déjà exprimées pour tirer la sonnette d’alarme sur ce texte extrêmement dangereux.
Les juges d’instruction expliquent qu“une fois l’autorisation donnée, dans la mesure où il ne s’agit pas d’une enquête, le juge d’instruction ne conserve pas la surveillance de l’exécution de cette mesure”.
Myria estime que le gouvernement Arizona “use d’un mécanisme répressif issu du droit pénal sans inclure les garanties procédurales correspondantes”, et que ce projet de loi créerait “une ingérence grave dans le droit au respect de la vie privée et familiale, de même que dans le principe de l’inviolabilité du domicile”.
Les obédiences maçonniques expliquent que : “Ce projet menace des libertés fondamentales garanties par la Constitution, notamment l’inviolabilité du domicile. Il criminalise les personnes en situation irrégulière et risque de décourager les actes de solidarité envers celles et ceux qui cherchent refuge.” Elles appellent à “une mobilisation collective et individuelle pour empêcher l’adoption de ce texte”.
Et les Engagés?
En 2018, un texte similaire avait été proposé sous le gouvernement Michel. Le MR s’était divisé sur la question et le gouvernement avait finalement renoncé à voter la loi. A l’époque, les Engagés s’étaient particulièrement mobilisés contre la mesure.
A l’époque, ils disaient : “la position du cdH sera toujours unanimement contre cette mesure qui est liberticide, qui est une violation aux droits fondamentaux de la propriété et de la liberté“
Aujourd’hui, à notre connaissance et à ce jour, ils la soutiennent…